MORELLA
Pour la journée, nous partons visiter Morella, à une cinquantaine de kilomètres.
Le Michelin lui donne 2 étoiles, et il ne les vole pas !
Le site est aussi étonnant que spectaculaire : plus de 2 km de remparts du 14ème siècle, jalonnés de 6 portes, encerclant la ville étagée sur la colline à 1004 m d'altitude.
Tout en haut se dressent les murs de l'ancien château forteresse médiéval.
Voici une vue d'ensemble, tirée d'internet :
Voici quelques détails et vues des remparts et des portes. Impressionnant !
Mention spéciale pour la Tour San Miguel : gigantesque, double, et munie d'un pont, c'est aussi la porte principale.
Une fois celle-ci franchie, nous tombons sur cette construction en cours :
Renseignements pris à l'Office du tourisme : il s'agit de la construction de la barraca pour la Fête de San Antonio Abad, et il y sera mis le feu ce soir !
Quelle bonne occasion de participer à une fête traditionnelle ! Il y aura aussi une représentation de la légende du saint sur le parvis de la basilique, défilé dans les rues, plantà de la barraca, grillades, danses traditionneles ... jusqu'à l'aurore ou l'épuisement ...
Evidemment, nous décidons de rester. Et en attendant nous partons pour une visite en règle de la ville et du château.
Et voilà que dans la cour de l'Hôtel de Ville nous sommes confrontées à 4 géants ... de 4 mètres de haut ! (la porte, à gauche, est de hauteur normale). Ils pèsent entre 47 et 62 kilos, et se nomment : SEIDIA - ABUSEID - ROSELLA - ARTAL .
Morella est l'union et le fruit de deux races, cultures et civilisations : "Les Maures et les Chrétiens". À la fin de 1231, le chevalier Don Blasco de Alagon, de manière pacifique, a conquis le château du roi Jaime 1er. Avant cela, depuis le 8e siècle, les Maures vivaient ici, avec leurs coutumes, leur religion et leur culture. Après la conquête, tous deux ont vécu ensemble pendant de nombreuses années. De cette coexistence est née l'actuelle Morella.
Les géants, représentants de la Cité dans les processions et les festivités les plus importantes, sont les symboles vivants de cette histoire,
Les géants actuels sont "nés" en 1939 et sont sortis pour la première fois lors de la célébration de l'Annonciation de cette année-là. Aujourd'hui, ils participent à la procession du 7 janvier - fête de San Julian -, à la célébration du Corpus Christi et le 15 août, jour de la Vierge. Ils participent également aux principales festivités de la ville, comme l'Annonciation et le Sexeni, qui ont lieu tous les six ans.
En continuant notre flânerie, nous découvrons le fameux escalier de Sant Joan qui traverse toute la ville avec ses 402 marches, et d'autres, aussi pittoresques que raides, avant d'arriver à la rue Blasco de Alagón, populairement connue par les habitants sous le nom de “la plaza” ou “los porches”
Au passage, de belles maisons, des oriels, des portes ...
Un nouveau passage par la Porte San Miguel nous permet de constater l'avancement de la Barraca ...
Regardez l'arbre qui est devant : il est tout emmailloté de d'isolant pour la chaleur. Les maisons les plus proches ont aussi toutes leurs fenêtres obturées par ce même isolant.
Et maintenant, on monte !
D'abord, la basilique Santa María la Mayor.
Une magnifique façade dominée par deux précieuses portes, celle des Apôtres et celle des Vierges (aujourd’hui restaurée après avoir été décapitée lors des guerres carlistes et de la guerre civile). Mais celle des Apôtres est un peu cachée par la scène aménagée devant pour le théâtre qui aura lieu ce soir, à 21 heures.
Je mets donc le lien pour ceux qui veulent aller voir mes photos de 2017, qui sont bien plus belles, prises lors d'un précédent passage à Morella.
À l’intérieur, le regard est immédiatement attiré par le superbe escalier du chœur qui s’enroule autour d’une des colonnes et est orné de scènes raffinées. Le plus surprenant est peut-être que le chœur est élevé sur des colonnes qui se dressaient 100 ans auparavant au milieu de l’église, ce qui en fait un cas unique au monde.
Un autre élément très particulier de ce temple est l’orgue monumental créé par Francisco Turull et composé de plus de 3 000 tuyaux. C’est l’un des plus importants d’Espagne et le plus important de la Communauté Valencienne.
Et aussi l'important retable doré, qui fourmille de détails, auquel je préfère cette belle icône
Et pour la messe solennelle de demain, des décorations spéciales rappelant la musique, les travaux des champs et l'artisanat local : les fameuses couvertures de Moralla.
Tradition toujours ...
Sur la place, en sortant, je remarque que ce grand-père a lui aussi sa couverture traditionnelle !
Avant d'arriver au château (dont l'entrée a été modifiée par rapport à 2017), nous passons devant les arènes. De là-haut, nous les reverrons dans leur paysage.
Le château de Morella est structuré en trois niveaux qui montent au sommet de la colline à plus de 1000 mètres de hauteur sous forme d’anneaux. Le niveau inférieur, situé à la base de la colline, est formé par un mur rond, embrassé, purement défensif. Le deuxième niveau est composé de murs, de tours semi-circulaires et de corps de garde. Il s’agit de la zone où se trouvent la plupart des pièces du château et qui abrite également la porte d’entrée principale. Le troisième niveau est le terrain de parade avec le donjon, étant l’endroit le plus imprenable et donc celui où se trouvaient les bureaux officiels et le commandement. De plus, entre la forteresse et la ville médiévale de Morella se trouve une albacara, un espace ouvert qui servait à garder le bétail en cas d’attaque (maintenant occupé par les arènes).
Voici une vue tirée d'internet sur laquelle on distingue bien ces trois niveaux. En 2017, nous entrions par le Couvent des Franciscains, au niveau inférieur. Celui-ci étant fermé pour restauration, nous entrons directement, par un affreux escalier métallique (provisoire) au deuxième niveau, celui de la porte principale, qui a même conservé en état sa citerne.
De là, nous avons une superbe vue sur le couvent des Franciscains, mais aussi sur Santa María la Mayor, que l'on reconnaît bien grâce à sa coupole bleue.
Cet escalier débouche sur le troisième niveau, le plus ancien du château. Car la forteresse militaire, construite en tirant parti de la roche naturelle, a été érigée par le califat omeyyade vers le Xe siècle, mais elle a subi d’importantes modifications au cours des siècles. Elle a affronté des personnages tels que Rodrigo Diaz de Vivar, le Cid Campeador, au service de différents rois musulmans et chrétiens à l’époque de la Reconquête.
Et voici l'immense Place d'Armes, tout en haut du château. On ne croirait pas, d'en bas, que c'est si grand !
C’est pendant la première des guerres carlistes (1833-1840) que le château a été d’une importance vitale pour le prétendant à la couronne, Carlos María Isidro de Bourbon. Le général carliste Ramón Cabrera Griñó, connu sous le nom de Tigre du Maestrazgo, a désigné Morella comme la capitale du commandement militaire carliste de Valence, d’Aragon et de la région du Maestrazgo.
Juste avant l'heure de la fermeture (18 heures) il nous reste à monter sur les remparts et les tours jumelles San Miguel. La lumière décline mais c'est encore bon.
De là-haut, vue superbe sur la barraca enfin terminée.
Il nous reste à voir les aqueducs. L'un est tout près de la ville, mais l'autre est à quelques kilomètres. Le temps de retourner à la voiture et d'y arriver, la nuit tombe très vite.
Mais quel point de vue sur la ville !
Et maintenant, place à la fête ! 💥
Mais d'abord, un petit arrêt à la boutique qui vend des bonnets, écharpes, chaussettes, gants .... car le vent froid qui nous a accompagnées toute la journée se fait plus fort et glacial !
Je crois qu'ils ont du faire des affaires, ce soir-là !
Et nous arrivons à la basilique, un peu en avance, mais commencent à arriver spectateurs et dragons ... renseignements pris : c'est la Cucafiera, une représentation du Drac. La cucafiera est une bête étrange "avec le corps d'une tortue et la tête d'un dragon", les porteurs entrent à l'intérieur et articulent toute une série de mouvements.
... puis débouchent musiciens et diables .... les démons essaient de détruire la vertu du saint, et sont également chargés de manipuler les "pétards ivres", tandis que jouent les dulzainas (court hautbois traditionnel datant du 14ème siècle) et les tabalets (petit tambour de marche).
Un petit échantillon de l'ambiance :
Alors un petit mot sur cette traditionnelle fête de Saint Antoine, ou plutôt : Sant Antoní Abad.
Ou San Antón, comme on l'appelle communément dans tous les villages d'Espagne. Il est fêté le 17 janvier. Dans le passé, mais aussi aujourd'hui, différents rites et coutumes sont célébrés pour commémorer la fête du saint ermite. Le vendredi soir, la Vie du Saint est exécutée à la porte des Apôtres de la Basilique de Santa Maria. Après cette représentation des tentations subies par le saint (toujours actualisée et avec une touche d'humour), on allume la barraca. Le froid glacial d'une nuit d'hiver se transforme soudain en lumière et en chaleur du feu. Ce sont les Santantonades.
Quoi de plus " éducatif " que la lutte du bien contre le mal ? C'est ce qui est célébré ici : la victoire du saint sur les tentations des démons et du péché. Et le feu ? C'est l'élément purificateur.
Mais qui fut San Antonio Abad ?
San Antonio Abad est né dans la ville de Comas, Herakleopolis Magna, en Égypte, lorsqu'elle faisait partie de l'Empire romain, le 12 janvier 251. A l'âge de 20 ans, il décida de vendre tout ce qu'il possédait et donna l'argent à des pauvres. Il est ensuite allé vivre dans une communauté voisine pour mener une vie ascétique, puis il s'est installé dans une grotte qui avait été creusée pour une tombe.
Dans sa vie, il s'est consacré à aider d'autres ermites à suivre une vie religieuse dans le désert, et de la même manière il est allé dans le désert pour vivre complètement seul. Il fut l'un des premiers à fonder un mouvement d'ermites.
L'histoire de sa vie a des moments qui sont historiques et d'autres qui entrent dans la légende. On dit qu'il est mort à 105 ans le 17 janvier 356 après Jésus-Christ, sur le mont Colzim, à Tebaida, en Égypte. Les monastères les plus célèbres qui portent son nom sont en Egypte, et un autre en France à Saint Antoine l'Abbaye, en Isère.
Sa légende
La légende de San Antonio Abad est racontée dans les récits de San Atanasio et San Jerónimo, on les retrouve également dans la Légende dorée écrite par Jacques de Voragine, un frère dominicain de Gênes, écrite au XIIIe siècle. Dans ces écrits, il est rapporté qu'il a souffert des tentations constantes du diable lorsqu'il était dans le désert. C'est pourquoi, dans son iconographie, il est enregistré subissant ces tentations.
On demande à San Antonio Abad la santé des animaux et des animaux de compagnie. Dans sa légende, il est dit qu'il a guéri une truie et sa progéniture de cécité, qui sont restées avec lui, en signe de gratitude pour lui tenir compagnie. Une bénédiction des animaux aura donc lieu le dimanche après la messe.
Puis le cortège se reforme, derrière Sant Antoni, les dragons, les diables, la musique, les étincelles, la joie, l'excitation ... pour aller mettre le feu à la barraca près des murailles.
Une tradition, quand la barraca commence à brûler : passer à l'intérieur en faisant un vœu. Sarah l'a fait, mais je ne l'ai pas photographiée. Celle-ci est d'internet.
La fête se prolonge par des grillades. Pour les braises, il n'y a qu'à se servir !
Mais il est près de minuit, nous n'avons rien à manger. Et regarder les autres manger, dans ce froid toujours glacial, maintenant que la barraca est éteinte, ça devient difficile. Alors tant pis pour les danses traditionnelles qui suivront vers 2 heures du matin, nous décidons de rentrer (une heure de route !)
Mais c'était une belle fête ! Les Santantonadas permettent de se réchauffer au milieu de l'hiver : traditions, feu, émotion... il faut les vivre.
Mais il nous reste un Royaume voisin à découvrir. Ce sera pour le prochain article : la Principauté de Catalogne !
A bientôt