Sur les 7 calvaires monumentaux de Bretagne, je n'en ai côtoyé que 2 : celui de Plougastel-Daoulas et celui de St Thégonnec.
Véritable livre de pierre, le calvaire représente différents épisodes de la vie du Christ et de ses apôtres, et peut compter jusqu'à 200 personnages ! Il jouait un rôle pédagogique auprès de populations qui n'avaient pas accès à la lecture. Il n'est pas rare d'y trouver également des allusions à des légendes où le diable est souvent présent.
Le calvaire de Plougastel-Daoulas est aujourd'hui l'ultime vestige d'un enclos paroissial qui fut détruit par les bombardements américains en août 1944. Son édification, au début du 17ème siècle, est liée à l'épidémie de peste qui décima près d'un tiers de la population de la presqu'île, en 1598.
La légende précise que ce monument est le résultat d'un vœu prononcé par le seigneur de Kereraod qui promit d'établir un somptueux calvaire s'il était la dernière victime de la terrible maladie. Quoiqu'il en soit, l'ouvrage sortit de terre entre 1602 et 1604.
Mais ce qui n'est pas une légende, c'est que la restauration du calvaire, endommagé par le bombardement, est due à un officier américain, John D. Skilton, présent lors de l'évènement et conservateur, dans le civil, du Musée de Washington. Il mit à l'abri les statues cassées et les éclats de pierre, et créa dans son pays une fondation qui collecta les fonds nécessaires à la restauration du calvaire. Il est fait citoyen d'honneur de Plougastel-Daoulas en 1950.
Sur une imposante base en granite jaune, les 182 statues en pierre bleue (les plus grandes mesurent 1 mètre et pèsent de 100 à 200 kg) illustrent en 28 tableaux les scènes de la vie du Christ ou des scènes légendaires. Un escalier de 14 marches permet d'accéder à la plate-forme centrale où s'installait autrefois le prédicateur.
Comme pour les autres calvaires, il faut lire les scènes dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, en commençant par l'Annonciation, et faire sept fois le tour du calvaire en suivant les étapes de la vie de Jésus.
La croix la plus haute mesure 10 mètres.
Le calvaire de Saint Thégonnec, recentré sur une Passion très expressive, est le dernier (1610) des grands enclos paroissiaux, et peut se présenter comme un bouquet final !
Mais d'où venait l'argent nécessaire pour ces magnifiques réalisations ?
De la culture et du tissage du lin et du chanvre. A St Thégonnec, en plus de l'usage domestique et agricole présent dans toute la Bretagne, se tissaient les voiles des navires du Roi de France, qui étaient expédiées par le port de Morlaix, tout proche. Du 15ème au 18ème siècle, la commune de St Thégonnec s'est ainsi enrichie, donnant naissance à une véritable caste paysanne. C'était la paroisse la plus riche du Léon, et cette prospérité s'est prolongée plus longtemps qu'ailleurs. Cela explique que le paroissiens aient pu, durant 6 générations, embellir, agrandir, rehausser leur église pour la mettre, tout simplement, au goût du jour. Il suffit de voir qu'elle a 2 clochers : quand la flèche gothique a été démodée, au début du 17ème, les paroissiens ont construit une grande tour avec un dôme Renaissance.
Selon la légende, vers le 6ème siècle, St Thégonnec, originaire du Pays de Galles, aurait apprivoisé un cerf attelé à sa charrette pour convoyer des pierres servant à l'édification de la première église. Un jour, un loup dévore le cerf. Le Saint dressa alors le loup, le persuadant de tirer la charrette à la place du cerf.
Saint Thégonnec est donc toujours représenté en saint bâtisseur, avec à ses pieds un loup ou un cerf tirant une charrette. Il est invoqué pour la préservation des récoltes, la guérison des fièvres et des morsures de vipères. La statue au-dessus de l'entrée principale de l'église représente cette légende, ainsi qu'une autre, dans une petite niche du soubassement du calvaire.
Ce calvaire n'est pas aussi imposant que celui de Plougastel-Daoulas, mais il n'en demeure pas moins remarquable par la qualité des scènes de la Passion et de la Résurrection du Christ, ou du Christ aux outrages, représentant un bourreau sous les traits d'Henri IV, dit-on ...
La plate-forme centrale comporte une quarantaine de personnages, illustrant 9 scènes de la Passion. Elle est surmontée d'une croix à 2 traverses portant une dizaine de personnages, dont il faut souligner le subtil et savant jeu d'équilibre qui est mis ici en œuvre pour assurer la stabilité de l'ensemble au-delà des siècles.
Mais bien sûr, je ne me suis pas arrêtée à l'extérieur.
Pour l'intérieur, il faut savoir qu'elle a été victime d'un terrible incendie accidentel en juin 1998. Cependant la restauration lui a rendu sa splendeur baroque.
Il reste un trésor, que je n'ai pas pu voir, pour cause de morte saison, mais que je me promets de voir à mon prochain voyage en Bretagne (si, si, je compte bien y revenir, il y a tant à voir !). Il se trouve dans l'ossuaire. C'est une mise au tombeau composée de 10 personnages en bois, grandeur nature, datée de 1702. Je vous laisse l'admirer sur cette photo, empruntée à internet, et je vous dis :