En route vers Saint Emilion, voici la petite église Notre-Dame de Saint-Aubin-de-Branne, du 12ème siècle. Sympathique, mais fermée.
La cité médiévale de Saint Emilion (et sa « juridiction ») est inscrite au patrimoine mondial de l'humanité de l'UNESCO depuis 1999. Elle constitue « l’exemple remarquable d'un paysage viticole historique qui a survécu intact » et « illustre de manière exceptionnelle la culture intensive de la vigne à vin dans une région délimitée avec précision » (critères d’inscription retenus par l’Unesco).
Saint Emilion est construit sur la pente d'une colline calcaire, et il faut donc monter ces ruelles pavées pour parvenir au sommet.
Comme la roche d'ici est du calcaire, qui s'userait très vite à la marche, ces pavés très durs provenaient en grande partie du lest des bateaux venant du nord pour chercher du vin, si apprécié dans ces pays.
Et nous arrivons à l'église collégiale, bâtie dès le début du XIIe siècle pour la communauté de chanoines de Saint-Augustin.
On y trouve quelques restes de fresques, et le cloître attenant possède de belles pierres funéraires en marbre.
Mais ce qui frappe ici, c'est cette grande fresque moderne qui occupe tout un côté du cloître : 40 m de long pour illustrer l'Apocalypse de Saint Jean.
De juillet à décembre 2017, François Peltier, artiste Lot-et-Garonnais, a lu les exégèses, les théologiens, et bien sûr le récit de l’Apocalypse, sans toucher à un pinceau ni à un crayon. Il s’est mis à peindre en décembre 2017 et la fresque telle qu'on la voit aujourd’hui a été achevée et mise en place, sur un support en bois et en lin, en novembre 2018.
Et maintenant, si je vous racontais l'histoire de Saint Emilion ?
C'est au VIIIe siècle, qu'un moine breton natif de Vannes nommé Émilion choisit comme lieu de retraite Ascumbas (ancien nom du site de Saint-Émilion). Cet homme, remarqué pour sa charité, quitta sa famille et sa Bretagne natale et prit la direction de l'Espagne, pour s'enfermer dans un cloître. La fatigue l'obligea à s'arrêter à Saujon, en Saintonge, dans un monastère de l' Ordre de Saint Benoît, où il exerça comme boulanger ou économe. Il y fut remarqué pour sa grande vertu. Poursuivant son idée de vivre dans la plus profonde solitude, Emilion quitta le monastère et finit par se retirer dans la forêt des Combes qui recouvre alors l’actuel site de Saint-Émilion. Il s'installa dans une falaise où il creusa un ermitage troglodyte. Ce fut autour de l'Ermitage de Saint-Emilion que se groupèrent les premières masures.
Dans sa grotte, on aperçoit* le lit du moine Emilion, un oratoire, une table, un siège. Il se dit que si une femme désire avoir des enfants, il suffit qu’elle prenne place sur ce siège sacré et elle tombe enceinte dans l’année. Et d'ailleurs beaucoup de témoignages sont encore reçus de la permanence de ce "miracle".
*Il est interdit de faire des photos dans toutes les parties souterraines. Toutes celles-ci, je les ai trouvées sur internet.
Par ses miracles et sa générosité, sa renommée rayonna par-delà la vallée et de nombreux disciples le rejoignirent. Durant dix-sept ans, Émilion évangélisa la population, créant ainsi un site monastique qui prit son nom après sa mort. Une communauté de moines bénédictins géra l’accès à ce lieu de pèlerinage jusqu’en 1110, date à laquelle une réforme engagée par l’évêque de Bordeaux à la suite des relâchements de la communauté permit l’installation d’un chapitre de chanoines augustins.
Au-dessus de la grotte, la chapelle de la Trinité a été construite par les moines bénédictins en l’honneur d’Émilion au XIIIe siècle. Les fresques et les peintures datent du XIVème siècle.
Remaniée à différentes époques, restaurée, elle est classée Monument historique.
De l’univers de la prière et du recueillement, on passe au monde des morts en entrant dans les catacombes. C’est un tout autre monde que l'on découvre, l’atmosphère n’est plus la même. Dans la rotonde d'entrée, on voit un puits de lumière servant autrefois à éclairer des reliques et on devine tout l’investissement des hommes qui ont creusé ces galeries.
Ce puits de lumière, c'est peut-être l'évocation du Saint Sépulcre de Jérusalem. En fait, le tombeau du Christ. Les orants sculptés au plafond ont la position de la prière utilisée à cette époque-là : les bras levés, ils sortent de leur sarcophage, de leur tombeau, et ils semblent aspirés par cet orifice vers la partie aérienne de l'édifice. C'est l'idée des corps qui s'élèvent vers le haut par la résurrection.
On entre alors vraiment dans les galeries des catacombes. Un peu partout on voit des tombes creusées dans la roche, de toutes les tailles laissant deviner l’âge des défunts. On ne parcours qu'une galerie, mais il y en a d'autres, avec des centaines de tombes.
Un seul sarcophage porte des inscriptions en latin. Mais son message, qui ressemble à un poème, n'a pas encore livré tout son mystère.
Entrons maintenant dans l'église monolithe. Ses proportions sont impressionnantes (38m de long pour 12 m de haut). Elle est la plus vaste église souterraine d'Europe
Elle fut sculptée au XIIe siècle et peinte au XIVe, malmenée au XVIIIe pendant la Révolution et restaurée au XXe !
L’église a été obtenue grâce à l’extraction d’une masse de pierre considérable, estimée à environ 15 000 mètres cubes, rendez-vous compte ! Faute de sources historiques fiables, c’est l’analyse archéologique du monument qui permet de confirmer que l’église a été creusée à la fin du XIe siècle. Au départ, cette cavité a été réalisée pour conserver dignement le corps de Saint-Émilion et d’en rendre la vénération plus commode. Les tailleurs de pierre ont donné à cet édifice toutes les apparences d’une église bâtie, divisée en trois nefs.
La voûte de la nef centrale atteint 11 mètres de hauteur !
Pourquoi ces gros échafaudages autour des piliers ?
La guide nous a expliqué que la pierre calcaire étant poreuse, l'humidité s'est attaquée aux piliers. Il s'agit ici de les soutenir en attendant qu'une solution soit trouvée pour éviter cet inconvénient.
Ci-dessous une vue qui date d'avant cette protection.
L’éclairage naturel est restreint et les fenêtres gothiques de la partie occidentale de l’église ont heureusement apporté un surplus de lumière dans l’édifice. L’église a reçu un riche décor de peintures murales, notamment une Crucifixion datée du XIIIe siècle. Il ne reste de celui-ci que quelques bribes infimes, le décor originel ayant disparu en partie au XIXe siècle.
Fort heureusement, les éléments de la sculpture exécutée dans la partie orientale de la grande nef ont été conservés.
Les sculptures de l’église souterraine éclairent de façon magistrale la signification spirituelle de l’édifice. Ici, les images de la tentation, du mal : centaure sagittaire, quadrupèdes adossés, animal attaqué par un serpent… Là, une vision de la brutalité et du déchainement du mal est représentée : un monstre à l’énorme gueule d’où sort une immense langue, au dos à la crête hérissée de têtes de serpents, se rue sur un personnage armé d’une lance qui tente de lui résister. Juste à côté se trouve la figure d’un joueur de viole.
Et encore des anges, symbole de résurrection.
Au milieu du XIIIe siècle, un beau portail du Jugement dernier permet l’accès à l’église et à la rotonde. Il présente le Christ siégeant entre la Vierge et Saint-Jean agenouillé. Sur le registre bas, les morts ressuscitent. Le style n’est pas sans évoquer celui du Portail Royal de la cathédrale Saint-André de Bordeaux. Tiens donc !
En 1110, la vie monastique s'étant relâchée, l'archevêque de Bordeaux réforma le monastère avec l'autorisation du pape et le plaça sous la règle de Saint-Augustin. C'est sans doute à cette époque qu'au-dessus de l'église souterraine et à peu de distance de l'église actuelle, fut élevée une tour qui servit plus tard de base au clocher gothique. Au début du 14e siècle, les chanoines furent relevés de la vie monastique et sécularisés par le pape Clément V qui érigea la communauté en chapitre. C'est à cette époque que l'église collégiale fut développée et que l'église monolithe fut percée de fenêtres gothiques et d'un portail. Au 16e siècle, le clocher reçut une flèche. Fragilisé, les baies du rez-de-chaussée furent bouchées et la base fortifiée par un contrefort.
La ville se construisit au long du Moyen Âge et fut fermée par des remparts dès le début du XIIIe siècle. C'est aussi l'époque de la construction de "la Tour du Roy", un donjon roman de 32 m.
Il ne reste plus grand chose des remparts ...
Et pour finir, la plus vieille maison de Saint Emilion : la maison de la Cadène, qui remonte au XVIème siècle.
Après cette longue mais époustouflante visite, nous quittons la Gironde (33), pour la Charente-Maritime (17) ...
et une série de petites églises typiques de la Saintonge.