Samedi 10 Octobre 2015 - 3ème étape.
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Aujourd'hui, l'étape prévue est rude : il faut remonter le Fango (la rivière) en suivant le chemin de randonnée "Tra Mare e Monti" (entre mer et montagne) jusqu'à Barghiana, et emprunter alors le "Chemin de la Transhumance" jusqu'au refuge de Buscaghia, à 1117 m, en passant un col à 1329 m : la Bocca di Capronale.
Pour nous éviter 15 km de goudron à plat, l'aubergiste nous emmène en voiture à Barghiana, d'où nous gagnons Mont Estremo, où commence (ou fini, selon la saison) le Chemin de la Transhumance. Il nous reste tout de même 1300 m à monter et plus de 300 m à descendre !
La route de la transhumance constitue une voie de communication historique. Au cours des siècles passés, les bergers du Niolu passaient par les cols de Guagnarola (1833 m, celui de demain) et Caprunale (1329 m, celui d'aujourd'hui) pour une transhumance hivernale de leurs troupeaux dans le Falasorma, c'est à dire le bassin du Fango, là où nous sommes. Une des parties les plus sauvages de la Corse.
A la fin du printemps, fuyant notamment la malaria qui sévissait dans les vallées, ils regagnaient leurs montagnes pour une période d'estive. Le voyage durait généralement 2 jours. A l'issue de la première journée, les bergers s'arrêtaient à la bergerie de Puscaghia pour se reposer et passer la nuit. Le soir, près du feu, la veillée s'organisait autour de chants polyphoniques et d'histoires racontées par les anciens.
Dans le Falasorma, les dernières grandes transhumances datent du début du siècle dernier. A cette époque, la population active était majoritairement composée d'éleveurs. Actuellement cette pratique est en nette régression. Ils sont en tout moins d'une dizaine d'éleveurs à perpétuer la tradition.
Que reste-t-il de ce chemin ?
De belles calades sur certaines portions de chemin, les ruines du couvent de Santa Maria (dont il ne reste que l'abside et la pièce où les moines faisaient leur vin), des fontaines aménagées en pleine montagne, des murs de soutènement qui semblent à toute épreuve ...
La brume nous rejoint, et avec les couleurs d'automne et les pins Laricio, nous offre de splendides vues tout le long de cette montée une peu dure, car nous ne sommes pas encore aguerris. Mais c'est magnifique.
Les péripéties du jour ?
- le passage un peu délicat du Fango. L'eau est si claire que l'on n'en voit pas la profondeur sur la photo.
- la rencontre avec les habitantes de la montagne : les vaches sauvages.
- l'arrivée au col de Capronale : un vent sauvage et glacé nous y accueille, accompagné de pluie. Pas le moment de traîner !
Enfin, le refuge de Puscaghia.
Nous le découvrons de haut, mais il reste 45 minutes de descente pour l'atteindre.
Ce sont les anciennes bergeries, aux toits végétalisés. Il n'est plus gardé à cette époque, mais il est cependant ouvert.
Ramasser du bois et des pommes de pin, allumer du feu dans la cheminée, chercher de l'eau à la source et la mettre à chauffer, faire une bonne soupe (déshydratée !), installer les duvets, se changer ... voilà ce qui occupe une partie de la soirée.
Après le coucher du soleil (qui a fini par se montrer !), la veillée, quoique douce, ne sera pas longue : vaincus par la fatigue, nous dormons comme des bébés jusqu'au lendemain ...
Dimanche 11 Octobre 2015 - 4ème étape.
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Ce matin le ciel est dégagé, et nous continuons le chemin de la transhumance vers le Col de Guagnarola (1833 m). Donc encore 800 m de montée, puis ce sera la descente de 200 m pour rejoindre le Golo et le GR 20, dans ce Val du Niolo d'où partaient les bergers.
Le paysage est époustouflant ! Roches roses et pins laricio aux branches horizontales forment de saisissants contrastes. Malheureusement, l'exposition n'est pas propice aux photos. Nous montons dans l'ombre et avons hâte de gagner le soleil pour nous réchauffer.
Michel n'est pas rassuré : un œil noir le regarde, bien campé au milieu du chemin. Mais Alain sait parler aux vaches ...
Le vent se lève, annonciateur du col de Guagnarola. Encore un effort !
Nous y sommes. Mais il y fait si froid que nous n'enlevons pas les sacs pour la photo. On devient des pros du retardateur !
Et nous découvrons le Val de Niolo. Et on comprend la raison de la transhumance : une végétation maigre, un environnement rude, peu d'arbres donc pas de bois ...
Nous continuons maintenant sur le GR 20.
En route, une cascade magnifique, et dans ce paysage quasi désertique, la bergerie d'estive de Radule. Mais les bêtes sont déjà redescendues, et il n'y a plus personne.
Et c'est à travers la forêt que nous rejoignons enfin notre gîte de ce soir, dans la mini station de ski de Castel di Vergio.